Leçon d'amitié
- Lecon
- Apr 3, 2018
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Il y a de ca quelques mois j’écrivais la préface de mon livre pour Mr Christophe Rocancourt … Aujourd’hui plus que jamais ce texte est non seulement d’actualité dans ma vie, mais en plus mon livre « cousu de fil noir « publié aux éditions Sudarenes est maintenant disponible sur Kindle ….deux raisons de partager avec vous cet avant-propos dont je suis plutôt fière 😊 :
« L'amitié est rare, très rare, d'où son aspect précieux et marquant. On arrive à la fin de sa vie et on essaie de compter ceux qu'on considère comme de vrais amis, ceux dont la fidélité a été sans failles, ceux qui vous ont aimé tel que vous êtes, sans vous juger, ni essayer de vous changer. C'est dans les épreuves, les moments difficiles et parfois décisifs, que l'amitié se révèle et se consolide ou s'absente et tombe dans le commun de l'oubli. L'amitié est ce qui permet de désarmer la cruauté et d'affronter le mal... L’amitié ne souffre pas de concessions avec le faux, la tiédeur et la perversité.
Personne mieux que Tahar Ben Jelloun ne la décrit, et voilà comment moi, je la définis. Du coup lorsque vous vous sentez trahi, la douleur est cuisante et persistante. Mais pourquoi ce genre de blessure subsiste-t-elle dans la mémoire, peut-être même plus intensément qu’une déception amoureuse ?
Je pense que c'est le principe de la parole donnée qui n'a pas été respecté. La confiance abusée, cambriolée par la personne à qui on a laissé les clés, c'est l'effarement de découvrir qu'on a longtemps fait fausse route, qu'on a cru les mots dont on n'avait que l'enveloppe, ouvert sa maison intérieure, lieu intime du secret, et voilà que tout cela vole en éclats. La trahison est une forme silencieuse de meurtre. On tue le don et la grâce, puis on se masque. On prend place dans le cœur et l'amour de l'autre, on connaît ses repères et ses faiblesses, puis on en profite pour démolir la maison et fouler aux pieds la confiance.
En amitié, la consolation est illusoire, le deuil un précipice. Un ami, un vrai ne se remplace pas. On vit avec la blessure infinie, on s'entête à vouloir oublier, mais on sait que c'est un exercice vain. Parce que l'amitié est à l'écart de toute satiété et de tout calcul, ces dérapages ne devraient pas arriver et en outre ils ne sont pas prévus.
Quand une amitié est trahie, la blessure est insupportable justement parce qu'elle ne fait pas partie de la conception et la nature de la relation, laquelle est une vertu, pas un arrangement social ou psychologique. Elle est vécue comme une injustice. Elle est incurable. On ne comprend pas et on s'en veut d'avoir donné le bien le plus précieux à quelqu'un qui ne le méritait pas ou qui n'a pas compris le sens ni la gravité de ce don. On s'est trompé et on a trompé. La rupture s'impose parce que l'amitié ne souffre pas de concessions avec le faux.
Et voilà qu’il y a de cela maintenant presque un an, mon vieil ami Charles Glenn m’a recontacté pour m’informer qu’il préparait ce livre… Sombre fantôme d’un passé bien lointain, il restait entre nous beaucoup d’aigreur, d’amertume et de non-dit.
Longtemps sa trahison a résonné dans ma tête. Pourtant, le temps ayant accompli son œuvre, je lui prêtais malgré tout une oreille attentive. J’ai vite compris que ses 80 ans avaient commencé par une prise de conscience, brutale et exaltante. Il m’expliqua que « sa vieillesse » fait entendre quelque chose qui, certes, implique la mort, mais qui est aussi une chance, une explosion de vie : elle est un risque à assumer. La lucidité et le bonheur sont à ce prix. Accepter ce risque, se mesurer à lui, accueillir la souffrance pour en recueillir les fruits. Il avait décidé d’accomplir cela sous forme de livre. Un bilan de vie. Un exécutoire par lequel il dégageait ses frustrations, ses déceptions, tenter d’approfondir sa personnalité, aller vers une harmonie avec toute chose. Étonné et surpris, je décidais de me montrer philosophe et d’écoutais les explications qu’il me devait depuis tant d’années. Je réalisais beaucoup de choses mais surtout je e compris assez vite que la vraie tragédie de l’existence de charles Glenn est dans la perte de liens qui l’avait coupé des autres, de l’amour, et de sa propre histoire.
Aussi par cette préface que je lui dédie, c’est ma manière de lui montrer que je l’ai entendu et que je l’ai compris, que les erreurs du passé appartiennent au passé et que l’erreur est humaine. Selon Jankélévitch, pour être qualifié de « pardon », un acte doit satisfaire trois conditions : d’abord, il doit être un événement ; ensuite, il doit pouvoir se comparer à un don ; enfin, il doit se produire dans le registre du face à face entre deux personnes. Je pense qu’ici nous avons respecté chaque précieuse étape et il ne me reste plus qu’à lui souhaiter bon vent mon ami. »
Une chose est certaine, Il y a toujours un moment dans ta vie où tu comprendras qu'elle personne est vraiment importante pour toi, quelle personne ne l'a jamais été et laquelle le sera toujours.
En tout état de cause, n'accorde pas plus d'importance que l'on ne t'en accorde !"

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