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Habiter la Poésie

Aujourd'hui, qui prend encore le temps de lire de la poésie ? Dans son récit à deux voix « Sur la trace de Nives » Erri de Luca , cet auteur italien , cher à mon cœur, écrit : « J’ai toujours dans ma tête un fragment de poème, ce qui me sert d'amarres pour ne pas sombrer je suis prédisposé au secours de la poésie, qui n'est pas l'art d'arranger des fleurs mais une urgence de s'accrocher à un bord dans la tempête… La poésie relève de l'urgence, ce n'est pas une flatterie au clair de lune, c'est un coup de salut… » j'adhère, car je puis affirmer qu'elle m'a maintes fois sauvée de la désespérance…

C'est pourquoi j’éprouve tant de bonheur à lire François Cheng, ce chinois à la double culture, chinoise et française, chassé de son pays par la guerre et la révolution -- et aujourd'hui membre de l’académie française – Auteur de romans, poèmes, méditations, essais… il est aussi enseignant et traducteur de la poésie française en chinois -- Merveilleux poète, il éblouit ses lecteurs par son écriture d'une limpidité de source, son verbe qui vient d'un espace où seuls peuvent aborder les poètes du silence et de l'écoute -- « Au sommet du mont et du silence , rien n'est dit , tout est . Tout vide est plein , tout passé présent , tout en nous renaît . » Qui n'a pas eu l'occasion de s'extasier sur la magnificence de l'aurore ou du soleil couchant partout dans le monde, une oasis éclose au cœur d'un désert, la superbe course des antilopes dans la savane, l'envol des oies sauvages au dessus d'un lac, la splendeur d'une oliveraie au crépuscule….

Toutes ces images nous sont tellement connues qu'elles en deviennent presque des clichés, notre pouvoir d'étonnement et d’émerveillement s'est émoussé. François Cheng décrypte les signe que la vie envoie à longueur d'heures, de jours, qu'elle envoie sans se lasser…. Il les décrypte, les met en poésie, les donne à voir…. Il est un «souffle incarné » porteur de vie et de lumière, il sait que douceur et douleur voisinent à une lettre près… « en chaque poème il relie le nuage et l'éclair… crée au cœur de l'orage une zone pacifiée… » c’est d'une grâce infinie « légère, fragile » de strophe en strophe « elle prie, psalmodie, célèbre au-delà de l'espoir et du désespoir… Elle instaure l'éternité de l'instant…elle se voue à la beauté… Elle traque un mystère où renaître » François Cheng démontre que la vie peut être d'une beauté sidérante, qui se révèle dans une odeur, une saveur, une musique, la douceur d'un souvenir, l‘éclat d’un sourire, la beauté d'un visage, d'un quatrain… Il apostrophe notre quotidien en l'obligeant à donner un sens aux instants vécus à relever le défi de la souffrance et de la mort ; à visiter nos profondeurs là où s'entassent tout un ensemble de joies, de chagrins, de passions, de blessures jamais tout à fait guéries… à visiter « ces sphères où règnent la beauté, l'amour, et toutes les formes de création artistique dont l'humain est capable… je consens alors, de toute mon âme, à ce que tout, c’est-à-dire le moindre rien me mette en question… « Un iris / Et tout le crée justifié / Un regard/ /Et justifié toute la vie » Un cyprès debout au milieu d'un champ -- la majesté d'un grand fleuve traversant les défilés rocheux et fertilisants les plaines --- la beauté d'une rose couverte de rosée à l'aurore d'un jour nouveau Pour aller voir du côté de ses romans : Le Dit de Tian-Yi -- l' Éternité n'est pas de trop – et un superbe livre d'art : Et le souffle devient Signe .

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